Kératokyste odontogène

Synonymes

Définition et étiologie

Le kératokyste odontogène est un kyste dysembryoplasique se développant à partir des restes de la lame dentaire10, 17, 18. Il possède un potentiel de croissance intrinsèque et ne se développe pas uniquement par pression osmotique comme la plupart des autres kystes. L’épithélium kystique a une prolifération propre qui semble dépendre de l’action de médiateurs chimiques comme les cytokines présentes dans les tissus voisins ou dans les foyers inflammatoires. Les cellules épithéliales de la paroi kystique peuvent également présenter des modifications des gènes suppresseurs de tumeurs. En outre, des bourgeons épithéliaux se forment à partir de la lésion initiale, donnant des microkystes satellites10. Les kératokystes possèdent donc des caractéristiques les rapprochant des tumeurs bénignes10, 18, 19.

Dans la naevomatose basocellulaire (syndrome de Gorlin-Goltz), les patients développent souvent précocement de nombreux kératokystes odontogènes10, 17, 18, 20, 21.

Epidémiologie et aspects cliniques

Les kératokystes odontogènes représentent jusqu’à 10% de l’ensemble des kystes des maxillaires10, 17, 18, 21. L’âge d’apparition se situe habituellement entre 20 et 40 ans, tandis qu’il est plus précoce dans la naevomatose basocellulaire10, 17, 18, 20, 21. On retrouve une légère prédominance masculine avec un sex-ratio d’environ 1.5M/1F 10, 18, 20, 21.

Les kératokystes se développent de façon asymptomatique dans l’os spongieux jusqu’à ce que le kyste résorbe ou refoule les corticales, ou soit le siège d’une surinfection17, 18, 21. En l’absence d’une découverte fortuite, le kératokyste est le plus souvent révélé par une tuméfaction indolore (50% des cas selon Chow21). On peut également observer un drainage spontané, éventuellement une douleur en cas de surinfection, ou encore des signes d’une compression nerveuse10, 17, 18, 20, 21.

Les kératokystes présentent un fort taux de récidive après exérèse10, 17, 18, 21, 22. Il varie selon les auteurs et les modalités de prise en charge. Brannon18 rapporte un taux de 12%, le temps moyen avant la récurrence étant de 4 ans 10 mois ; Chow21 un taux autour de 20% à 5 ans ; Myoung et al.20 un taux proche de 60% pour une période de suivi moyenne d’environ 2 ans.

Aspect radiologique

Localisation. Selon les séries, 60 à 80% des kératokystes se développent dans la mandibule17, 20, 21, le plus souvent dans la moitié postérieure, s’étendant très souvent dans la branche montante10, 18, 21 (Fig.7).

Lorsque le kératokyste siège dans la mandibule, son centre se trouve toujours au-dessus du canal alvéolaire10, sauf lorsque le kératokyste est de grande taille et que le canal alvéolaire n’est plus visible. Le kératokyste entoure fréquemment la couronne d’une dent incluse ou enclavée, il est alors difficile à distinguer radiologiquement d’un kyste folliculaire10, 18, 21. Pour Chow21, plus de 50% des kératokystes entourent la couronne d’une dent incluse ou enclavée, dans la majorité des cas une troisième molaire mandibulaire.


Les kératokystes sont généralement uniques, mais ils peuvent être multiples18, en particulier chez les patients atteints de naevomatose basocellulaire10, 17, 18, 20, 21.

Limites. Les kératokystes sont généralement entourés d’un liseré d’ostéocondensation, sauf lors d’une surinfection10, 17, 18, 21. Ils ont une forme arrondie ou ovale, mais parfois leur contour est polycyclique10, 18, 21.

Structure interne. Les kératokystes sont radiotransparents, le plus fréquemment uniloculaires18, et se traduisent par une image homogène bien que la présence de septum soit possible10, 18, 21.

Effet sur les structures adjacentes. A la mandibule, le kératokyste a tendance à se développer dans l’espace qui lui offre le moins de résistance, c'est-à-dire dans un axe antéro-postérieur. Au maxillaire, la croissance est plus volontiers centrifuge en raison de la présence des sinus et de corticales relativement fines. Le kératokyste est donc généralement détecté plus rapidement au maxillaire qu’à la mandibule21.

Les kératokystes entraînent plus souvent une lyse qu’une soufflure des corticales10, 17, 18, 21, sauf dans la partie supérieure du ramus ou dans le processus coronoïde, où l’on observe souvent d’importantes soufflures10.

Le kératokyste entraine parfois des déplacements dentaires, ou plus rarement17, 18 des rhizalyses10, 21. Il peut refouler le canal alvéolaire vers le bas, le plus souvent sans signe neurologique associé, ou se développer dans le sinus maxillaire11.

Diagnostic différentiel radiologique

Il doit faire évoquer :

En présence d’un ou plusieurs kératokystes, il faut rechercher d’autres signes d’une naevomatose basocellulaire (syndrome de Gorlin-Goltz)10.

Traitement

En raison de sa tendance élevée à la récidive, certains auteurs recommandent un bilan CT-scan afin de déterminer précisément l’étendue de la lésion ainsi que la localisation d’éventuelles perforations des corticales avec extension dans les tissus mous11.

Différentes modalités de traitement ont été proposées : curettage, énucléation, marsupialisation, résection osseuse10, 17, 21, 22. L’énucléation constitue actuellement le traitement de choix, en effectuant un curettage appuyé des parois de la cavité pour diminuer le risque de récidive ; l’application de la solution de Carnoy sur les parois est conseillée par certains auteurs, pour diminuer le risque de récidive21, 22.

Des contrôles cliniques et radiologiques réguliers sont recommandés. Les récidives surviennent le plus souvent dans les 5 premières années, mais certaines peuvent être observées après plus de 10 ans17, 21, 22.



Voir la bibliographie pour les références correspondant aux numéros en exposant.





Illustrations

Cas #1

Sujet masculin, né en 1944. En 2002, découverte fortuite d'un kératokyste dans l'angle mandibulaire gauche ; l'examen attentif d'un OPT réalisé en 1996 révèle que la lésion était déjà présente. Kystectomie en 2002.


Kératokyste odontogène Cas #1 Kératokyste odontogène Cas #1 Kératokyste odontogène Cas #1
Kératokyste odontogène Cas #1 Kératokyste odontogène Cas #1 Kératokyste odontogène Cas #1


Cas #2

Sujet masculin, né en 1990. En 2007, découverte fortuite d'un kératokyste dans l'angle mandibulaire gauche. Exérèse réalisée en 2007. OPT de contrôle post-opératoire à 3 mois ; néo-formation osseuse visible sur les OPT à 9 mois, 1 an et 3 ans, et absence de récidive.


Kératokyste odontogène Cas #2 Kératokyste odontogène Cas #2 Kératokyste odontogène Cas #2
Kératokyste odontogène Cas #2 Kératokyste odontogène Cas #2


Cas #3

Sujet masculin, né en 1927. En 2007, découverte fortuite d'un kératokyste siégeant entre les racines de 34 et 35. Exérèse réalisée en 2007.


Kératokyste odontogène Cas #3 Kératokyste odontogène Cas #3


Cas #4

Sujet masculin, né en 1945. En 2007, exérèse d'un kératokyste siégeant dans le maxillaire antérieur.


Kératokyste odontogène Cas #4 Kératokyste odontogène Cas #4


Cas #5

Sujet féminin, née en 1930. En 2000, kératokyste siégeant entre les racines de 31 et 41, révélé par une tuméfaction vestibulaire. Exérèse réalisée en 2000.


Kératokyste odontogène Cas #5


Cas #6

Sujet masculin, né en 1952. En 1987, exérèse d'un volumineux kératokyste mandibulaire. L'OPT de contrôle réalisé en 1990 montre une réossification complète. Noter la formation d'un nouveau canal alvéolaire en postion plus crestale.


Kératokyste odontogène Cas #6 Kératokyste odontogène Cas #6


Cas #7

Sujet masculin, né en 1992, atteint d'une naevomatose baso-cellulaire (syndrome de Gorlin-Goltz). En 2000, découverte d'un volumineux kératokyste mandibulaire refoulant les germes de 33, 34 et 35 et ayant provoqué une rhizalyse de 73, 74, 75, et d'un kératokyste refoulant le germe de la 38. Exérèse en 2000.

L'OPT de contrôle 1 an postopératoire montre une néoformation osseuse et les germes de 33, 34 et 35 ont repris une évolution normale ; on note cependant une image lytique distale au germe de 48.

Après plusieurs années sans contrôle, on observe sur l'OPT réalisé en 2008 l'inclusion de la 33 avec persistance de la 73 sur l'arcade, ainsi qu'un volumineux kératokyste de la branche montante droite de la mandibule. Par ailleurs, la 18 et la 28 ont été refoulées par deux kératokystes s'étant développés dans les sinus maxillaires. L'exérèse de ces différentes lésions a été pratiquée en 2008.


Naevomatose baso-cellulaire Cas #1 Naevomatose baso-cellulaire Cas #1 Naevomatose baso-cellulaire Cas #1
Naevomatose baso-cellulaire Cas #1 Naevomatose baso-cellulaire Cas #1 Naevomatose baso-cellulaire Cas #1
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Naevomatose baso-cellulaire Cas #1 Naevomatose baso-cellulaire Cas #1